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Depuis 2014, on observe une croissance marquée de l’adoption de politiques de protection des défenseur.e.s des droits humains (DDHs) dans les pays africains. Plus de recherches sont nécessaires pour comprendre cette croissance rapide des processus en Afrique et les circonstances qui les déclenchent ou les accélèrent. Il est possible que la diffusion des politiques en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale soit le résultat d’un « modèle en cascade » dans les pays francophones, suggérant que les organisations locales de la société civile et les gouvernements des pays voisins inspirent d’autres processus liés à la rédaction et à l’adoption de lois de protection.
On observe des similitudes significatives entre la législation adoptée par la Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, par exemple, avec l’une inspirant fortement l’autre.
En ce qui concerne les lois pour la protection des DDHs, le pays pionnier en Afrique a été la République démocratique du Congo, qui a commencé en 2007 à débattre des lois au niveau des provinces et au niveau national. Ce processus a abouti à la promulgation, le 15 juin 2023, de la Loi 23/027 sur la protection et la responsabilité des défenseur.e.s des droits humains en la République démocratique du Congo par le gouvernement congolais.
C’est surtout depuis 2015 que des lois ont été adoptées dans plusieurs pays, principalement, mais pas exclusivement, en Afrique de l’Ouest. En général, ces lois nationales se sont appuyées sur la Déclaration des Nations unies sur les DDHs, ainsi que sur le Loi Modèle élaboré par le Service international des droits de l’homme.
Collectivement, ces lois énoncent de manière succincte un certain nombre de droits pour les défenseur.e.s des droits humains, qui se chevauchent largement avec les droits que tout citoyen de ces pays possède. Certaines lois réglementent leur application, tandis que d’autres ne le font pas. Plusieurs lois contiennent une série de « responsabilités » attribuées aux DDHs, comme c’est le cas dans la loi de 2014 en Côte d’Ivoire :
– Art. 10 : « Les DDHs sont tenus d’exercer leurs droits et libertés de manière impartiale et dans le respect des droits des autres, de la sécurité publique et de l’intérêt général. »
– Art. 12 : « … Les défenseurs des droits de l’homme doivent contribuer à la préservation et au renforcement de la solidarité sociale et nationale… »
Ces responsabilités assignées aux DDHs pourraient servir de base à la délégitimation de l’action des DDHs.
Au cours des quatre dernières années, l’Afrique a été confrontée à une nouvelle vague de guerres civiles et d’instabilité politique. Il y a eu 9 coups d’État à travers le Sahel, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale depuis 2020, et la situation de l’espace civique sur le continent continue de se détériorer (DefendDefenders), entraînant l’abandon (soit légalement, soit pratiquement) de lois précédemment promulguées.
Vingt (20) pays en Afrique ont mené, mènent ou mèneront leurs élections présidentielles et nationales en 2024. Bien que les élections assurent des transitions transparentes et des transferts de pouvoir, cet exercice démocratique est attaqué. Des coups d’État militaires aux coups d’État constitutionnels, nous assistons à un nouveau phénomène où les pays proposent ou reportent les élections à des dates indéfinies. Cela a provoqué des conflits civils dans certains pays comme le Sénégal. La violence a continué après les élections, où les citoyens ont exprimé leur insatisfaction avec le processus, comme dans le cas de la République des Comores en janvier 2024. Un scénario similaire a été observé au Nigeria en 2023, où les résultats des élections ont été annoncés tard dans la nuit.
Malgré les revers, les défenseur·e·s des droits humains (DDH) persistent en première ligne en plaidant pour des élections justes, crédibles et transparentes. Ils réalisent l’éducation civique et collaborent avec les organismes électoraux pour l’éducation des électeurs. Cependant, ils font face à des représailles de la part d’acteurs étatiques et non étatiques lorsque les communautés cherchent de l’aide pour des violations de leurs droits démocratiques.
Les DDH ont le devoir noble de surveiller le processus et de s’assurer qu’il suive une approche basée sur les droits humains. Les violations des droits humains doivent être documentées et signalées aux autorités compétentes pour intervention. Les DDH doivent être extrêmement prudents avec la surveillance de l’environnement post-électoral, car cette période détermine la composition du prochain gouvernement, la correspondance judiciaire sur la conduite des élections et les retours des groupes de surveillance sur les préparatifs pour le prochain cycle électoral. Les DDH ont le devoir de s’assurer que les mécanismes de rétroaction entre le gouvernement et ses citoyens soient alignés avec les engagements en matière de droits humains pris aux niveaux national, régional et international lors des forums des droits humains. Les DDH doivent également s’associer avec des acteurs étatiques et non étatiques pour garantir un environnement propice aux actions civiques contre les violations des droits humains et protéger jalousement le droit de défendre les droits humains.
À la fin de 2023, la liste des pays avec des politiques de protection en Afrique est la suivante :
– Loi en vigueur : Côte d’Ivoire, RDC
– Décret ou réglementation infranationale : RDC
– Discussions en cours : Ouganda, Madagascar, Nigeria, République du Congo, Tanzanie, Togo
– Abandonnées (soit légalement, soit pratiquement) : Burkina Faso, Mali, Niger.
COUPS D’ÉTAT, POST-COUP D’ÉTAT ET CONFLITS
Les défenseur·e·s des droits de humains – y compris les journalistes – dans les États sous transition militaire en Afrique occidentale et centrale (Burkina Faso, Tchad, Guinée, Mali et Niger) ont été régulièrement convoqués, harcelés par la justice, arrêtés ou contraints à l’exil. Les dirigeants militaires de ces pays ont régulièrement interdit les manifestations pacifiques, invoquant la législation antiterroriste et imposant l’état d’urgence. Plusieurs défenseur·e·s des droits humains du Mali et du Burkina Faso se sont temporairement installés hors de leur pays pour éviter la détention, suite aux menaces qu’ils avaient reçues en réponse à leur travail de surveillance et de documentation des violations des droits humains. (Front Line Defenders Global Analysis 2023/24 )
Mis à jour : 23/05/2024
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