Traduction fait par Protection International de la publication originale de ISHR.
Un projet de loi visant à prévenir les violations des droits humains et les abus à l’encontre des défenseur·e·s des droits humains a été adopté en trois lectures par la Chambre des représentants. Cette évolution intervient alors que des organisations de la société civile et des experts des Nations unies demandent une enquête internationale sur les violations généralisées et systématiques commises dans le pays.
183 membres de la Chambre ont soutenu l’adoption du projet de loi sur les défenseur·e·s des droits humains en trois lectures, aucun·e membre ne s’étant opposé·e ou abstenu·e du vote. Bien qu’il s’agisse d’une évolution très positive, le projet de loi n’entrera toutefois en vigueur que s’il est officiellement adopté par la Chambre, adopté par le Sénat et approuvé par le Président.
Le projet de loi a été élaboré en consultation avec la société civile et se fonde sur la loi type pour la reconnaissance et la protection des défenseur·e·s des droits humains, qui transpose la Déclaration des Nations unies sur les défenseur·e·s des droits humains dans le droit national.
Il s’agit d’une étape importante vers la reconnaissance et la protection des défenseur·e·s des droits humains dans l’un des pays les plus dangereux au monde pour les activistes. Selon Front Line Defenders, les Philippines ont le taux le plus élevé d’assassinats de défenseur·e·s des droits humains et de militant·e·s en dehors des Amériques. Des organisations nationales – dont Karapatan Alliance for the Advancement of Human Rights, Philippine Alliance of Human Rights Advocates et Task Force Detainees of the Philippines – signalent que 687 défenseur·e·s des droits humains ont été tué·e·s dans le pays entre 2001 et 2018.
Le passage du projet de loi en trois lectures par les parlementaires intervient alors que le président, Rodrigo Duterte, et les membres de son administration intensifient une campagne de diffamation et d’abus visant les défenseur·e·s des droits humains et les institutions. Il y a deux semaines, un groupe d’organisations internationales a exhorté le gouvernement à répondre aux menaces contre les défenseur·e·s des droits humains en prenant des mesures réelles et efficaces pour leur protection. La déclaration demandait à la communauté internationale d’appeler à l’annulation des politiques restrictives et au Conseil des droits de l’homme des Nations unies de faire progresser l’obligation de rendre des comptes sur les violations des droits humains en ouvrant une enquête internationale indépendante sur les exécutions extrajudiciaires perpétrées dans le cadre de la « guerre contre la drogue » menée par le gouvernement, et d’appeler à la fin des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme, les médias indépendants et les institutions démocratiques. Cet appel a été fermement soutenu par un groupe d’experts indépendants des Nations unies qui a condamné aujourd’hui une « forte détérioration de la situation des droits humains dans tout le pays, y compris des attaques soutenues contre les personnes et les institutions qui défendent les droits humains ».
Étant donné l’ampleur et la gravité des violations des droits humains signalées, nous demandons au Conseil des droits humains d’ouvrir une enquête indépendante sur les violations des droits humains aux Philippines », ont déclaré les experts.
Le Service international pour les droits humains (ISHR) et Front Line Defenders (FLD) saluent le rôle important que les Makatao, ou « législateur·trices des droits humains », de la Chambre des représentant·e·s – formés en mars 2018 et constitués de 13 membres fondateurs dépassant les clivages partisans – ont joué dans ce processus d’amélioration de la situation des droits humains.
Une fois signé, le projet de loi créera un comité de protection des défenseur·e·s des droits humains présidé par un commissaire de la Commission nationale des droits humains et six membres qui seront nommés conjointement par les organisations de la société civile concernées.
La loi définit également un certain nombre de droits pour les défenseur·e·s des droits humains, notamment:
le droit de former des organisations
le droit de recevoir des ressources
le droit de diffuser des informations
le droit de communiquer avec les organismes internationaux et régionaux
le droit de se réunir pacifiquement.
La loi impose en outre à l’État un certain nombre d’obligations, dont celles de
respecter et protéger les défenseur·e·s des droits humains et faciliter leur travail
protéger et sanctionner les actes d'intimidation ou de représailles
s'abstenir de toute étiquette désobligeante.
Un projet de loi homologue est en attente auprès de la Commission sénatoriale de la justice et des droits de l’homme depuis qu’il a été présenté par la sénatrice De Lima en février 2018.
Si nous nous félicitons de l’adoption de ce projet de loi en trois lectures à la Chambre des représentants, nous continuons d’exhorter le gouvernement et le Congrès à prendre des mesures réelles et efficaces pour la protection des défenseur·e·s des droits humains, notamment en appelant le Sénat à approuver la version sénatoriale du projet de loi comme l’une de ses premières actions au sein du 18e Congrès qui débutera en juillet.
La réconciliation des projets de loi du Sénat et de la Chambre des représentants constituera finalement la loi aux Philippines. Il est essentiel que la loi finale résultant du processus de réconciliation du comité de conférence bicaméral garantisse les plus hautes protections légales pour les défenseur·e·s des droits humains.
Si l’avancée de cette législation est la bienvenue, l’ISHR et FLD insistent pour que le gouvernement cesse immédiatement ses attaques et ses campagnes de dénigrement contre les défenseur·e·s des droits humains et appellent la communauté internationale à rester vigilante face à ces attaques et à soutenir la société civile philippine et les défenseur·e·s des droits humains dans la conduite de leur travail légitime.