Le jeudi 27 juillet 2023, Protection International (PI) a organisé un webinaire en ligne sur les politiques publiques intitulé “Les lois pour protéger les défenseurs des droits de l’homme en Afrique de l’Ouest et dans la région des Grands Lacs : sont-elles adaptées ? Que faut-il d’autre ?”
Cinq experts régionaux en politiques publiques ont participé en tant que panélistes, dont Marthe Coulibaly, directrice de la Coalition Ivoirienne des Défenseurs des Droits Humains (CIDDH), Kanni Abdoulaye, coordinateur du Réseau Nigérien des Défenseurs des Droits Humains (RNDDH), Catherine Mbui, responsable des défenseurs des droits de l’homme à la Commission Nationale des Droits de l’Homme du Kenya (KNCHR), Stella Yanda, secrétaire exécutive d’INITIATIVES ALPHA, et Vicar Batundi, coordinateur national du Foyer de Développement pour l’Autopromotion des Pygmées et des Indigènes Défavorisés (FDAPID).
Plus de 140 personnes ont assisté au webinaire et ont participé de manière très active, posant de nombreuses questions engageantes. Avec l’aide de nos panélistes, nous avons pu plonger dans les politiques de protection existantes dans leurs pays tout en identifiant des voies d’action pour la société civile. Nous avons également discuté de la manière dont les autorités étatiques et les institutions nationales des droits de l’homme peuvent favoriser un espace permettant à une société civile dynamique de prospérer en Afrique.
Le travail de Protection International dans le domaine des politiques publiques pour la protection des défenseurs des droits de l’homme
Contribuer à de meilleures politiques publiques pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (DDHs) est au cœur de la stratégie de Protection International (PI) : depuis le début des années 2000, nous avons publié plusieurs rapports et analyses sur ce sujet et nous avons soutenu le travail des autorités locales et de la société civile en matière de politiques publiques dans certains pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie.
Ce sujet est au cœur de nos interventions parce qu’en fin de compte, l’obligation de protéger les défenseurs contre les menaces et les attaques incombe aux autorités de l’État. De plus, l’adoption de politiques publiques visant à protéger les défenseurs et leur droit à défendre les droits de l’homme peut contribuer à résoudre ce problème complexe.
Cependant, les politiques publiques nationales visant à protéger les DDHs en danger revêtent de nombreuses formes : il peut s’agir de lois nationales, de législations subnationales, de mécanismes de protection, de politiques et de directives émises par des NHRIs indépendantes, entre autres. En Amérique latine, par exemple, on observe une forte concentration sur les mécanismes de protection, principalement en raison des niveaux élevés de violence et de criminalité qui touchent les DDHs, tandis qu’en Afrique, il y a eu une prolifération de lois nationales, principalement en Afrique de l’Ouest, et de législations subnationales en République démocratique du Congo (RDC). Cependant, cette législation est davantage une déclaration d’intention des autorités de l’État qu’un moyen efficace de protéger les DDHs : nous avons constaté peu ou pas de mise en œuvre en ce qui concerne la prévention et la prise en charge des menaces et des agressions.
Malheureusement, les deux régions partagent un dénominateur commun : le fossé de la mise en œuvre. Même s’il existe des mécanismes et des lois dans de nombreux pays, les défenseurs continuent d’être pris pour cible et attaqués avec un haut niveau d’impunité.
Dans le cadre de notre travail dans ce domaine, Protection International a créé l’Observatoire FOCUS, une plateforme en ligne qui vise à centraliser les connaissances sur les politiques publiques de protection des DDHs dans le monde entier, à suivre les mises à jour et à en analyser la portée et l’efficacité.
Plus récemment, le bureau de PI en RDC et son équipe mondiale basée à Bruxelles ont entrepris un projet de recherche collaboratif axé sur la manière dont les DDHs perçoivent l’impact de la législation subnationale de protection (décrets provinciaux) du Nord et du Sud-Kivu sur leur travail en matière de droits de l’homme. Les résultats de cette recherche peut être examinée sur le site web de l’Observatoire FOCUS.
Principales conclusions du webinaire
Parmi les principales conclusions du webinaire, nous pourrions mettre en avant les suivantes :
- Combler le fossé de la mise en œuvre et protéger efficacement les DDHs nécessite une volonté politique. Les hommes politiques et les fonctionnaires gouvernementaux doivent reconnaître le rôle que jouent les défenseurs des droits de l’homme dans la construction d’une société démocratique et plus juste.
- L’adoption de politiques publiques visant à protéger les DDHs et leur droit à défendre les droits de l’homme est un processus complexe qui dépend des réalités sociopolitiques et institutionnelles de chaque pays. Les efforts peuvent mettre plusieurs années à porter leurs fruits, comme le montre le cas du Niger. De plus, l’adoption de lois nationales n’est pas la fin, mais le début d’un voyage : comme le montre le cas de la Côte d’Ivoire, la société civile a collaboré avec différentes autorités de l’État dans le but d’adopter des instruments politiques supplémentaires permettant la mise en œuvre correcte de la loi nationale.
- La participation de la société civile au développement des politiques de protection est essentielle. Les décideurs politiques devraient créer des espaces pour dialoguer avec les OSC et d’autres parties prenantes (y compris les NHRIs) afin de discuter correctement et d’inclure les besoins de protection des défenseurs des droits de la femme et des DDHs issus de groupes vulnérables, y compris les personnes handicapées. Un tel dialogue entre les DDHs et les autorités locales est également essentiel pour créer un environnement favorable à la défense des droits de l’homme.
- Les réseaux de protection sont également essentiels : les réseaux de protection au niveau national devraient inclure les DDHs et leurs OSC au niveau local et à travers le pays. Ces réseaux devraient être renforcés par le biais de liens avec les réseaux régionaux africains ainsi qu’avec des partenaires internationaux et des parties prenantes. Le cas de la RDC montre comment les ambassades et les missions diplomatiques ont soutenu les efforts du gouvernement, du parlement et des organisations de la société civile pour adopter une législation de protection des DDHs dans le pays.
- Les réseaux peuvent également jouer un rôle important en matière de suivi et d’évaluation des politiques publiques de protection des DDH. Tout en plaidant en faveur de lois et de politiques publiques qui protègent les DDHs et leur droit à défendre les droits de l’homme, les défenseurs et leurs OSC doivent surveiller la législation restrictive et chercher à l’abroger ou du moins à la modifier.
Le webinaire a été organisé dans le cadre de deux projets en République démocratique du Congo et en Afrique de l’Ouest, avec le soutien financier du gouvernement allemand. Nous avons également pu compter sur la solide collaboration de nos partenaires : Solidarité Féminine pour la Paix et le Développement Intégral (SOFEPADI), Coalition des Femmes Défenseuses des Droits Humains, West African Human Rights Defenders Network et Partnership for Justice
Protection International tient à remercier ses bailleurs de fonds pour leur précieux soutien